[Groupe 2A] Pascal et l'expérience du Puy-de-Dôme

Modifié par Estelledurand

Fasciné par les travaux de Torricelli, Pascal est déjà l'auteur d'un Abrégé du traité du vide, dans lequel il travaille expérimentalement à les approfondir. N'en reste pas moins que ses différentes observations, portant sur des variations de niveau de mercure dans une éprouvette hermétiquement scellée, peuvent tout à fait être expliquées par le principe, d'origine religieuse, selon lequel "la nature a horreur du vide". Il conçoit alors l'expérience suivante, afin de déterminer si cette explication, "probable" bien que lourde en termes de présupposés, peut être écartée.


Extrait : 

Certainement, après cette expérience, il y avait lieu de se persuader que ce n'est pas l'horreur du vide, comme nous estimons, qui cause la suspension du vif-argent [...] mais bien la pesanteur et la pression de l'air, qui contrebalance la pesanteur du vif-argent. Mais parce que tous les effets de cette dernière expérience des deux tuyaux, qui s'expliquent si naturellement par la seule pression et pesanteur de l'air, peuvent encore être expliqués assez probablement par l'horreur du vide, je me tiens dans cette ancienne maxime, résolu néanmoins de chercher l'éclaircissement entier de cette difficulté par une expérience décisive. J'en ai imaginé une qui pourra seule suffire pour nous donner la lumière que nous cherchons, si elle peut être exécutée avec justesse. C’est de faire l'expérience ordinaire du vide plusieurs fois en même jour, dans un même tuyau, avec le même vif-argent, tantôt au bas et tantôt au sommet d'une montagne, élevée pour le moins de cinq ou six cents toises, pour éprouver si la hauteur du vif-argent suspendu dans le tuyau se trouvera pareille ou différente dans ces deux situations. Vous voyez déjà sans doute, que cette expérience est décisive de la question, et que, s'il arrive que la hauteur du vif-argent soit moindre au haut qu'au bas de la montagne (comme j'ai beaucoup de raisons pour le croire, quoique tous ceux qui ont médité sur cette matière soient contraires à ce sentiment), il s'ensuivra nécessairement, que la pesanteur et pression de l'air est la seule cause de cette suspension du vif-argent, et non pas l'horreur du vide, puisqu'il est bien certain qu'il y a beaucoup plus d'air qui pèse sur le pied de la montagne, que non pas sur son sommet ; au lieu qu'on ne saurait pas dire que la nature abhorre le vide au pied de la montagne plus que sur son sommet. 

Blaise PASCAL, "Lettre à Périer du 15 novembre 1647", Récit de la grande expérience de l'équilibre des liqueurs,  dans Pascal, œuvres complètes, Seuil, 1963, p. 222.


 Questions : 

1. La question du vide est problématique, dans un contexte imprégné par la religion chrétienne. C'est ce que signifie ici l'expression "l'horreur du vide". Pourquoi l'Église répugne-t-elle à considérer que le vide existerait dans la Nature ?

2. Qu'entend ici Pascal par "expérience décisive" ?

3. Pascal décrit dans cette lettre une expérience qu'il ne peut pas réaliser lui-même, ne se trouvant pas dans sa ville natale de Clermont-Ferrand, dont le relief est nécessaire à sa réalisation. Expliquez son projet : "[P]our éprouver si la hauteur du vif-argent suspendu dans le tuyau se trouvera pareille ou différente dans ces deux situations". Que signifie ici "éprouver" ? Pourquoi ne peut-on trancher qu'entre deux hypothèses ?

4. "[S]'il arrive que la hauteur du vif-argent soit moindre au haut qu'au bas de la montagne (comme j'ai beaucoup de raisons pour le croire [...]"  : Pascal sait-il, avant de réaliser l'expérience, ce qu'elle va permettre d'observer ? Quel statut a, alors, cette phrase ? Pour répondre, attachez-vous aussi à la formulation même de la phrase.


Synthèse : 

À partir de l'analyse précédente, rédigez une synthèse, qui constituera l'introduction d'une réflexion sur la question : "Peut-on prouver l'existence du vide ?".

  • Commencez par poser le problème, en veillant bien à en faire apparaître clairement la dimension problématique. Pour cela, veillez à vous appuyer sur l'aporie à laquelle aboutit le travail du Groupe 1, qu'il s'agit de dépasser.
  • Décrivez la démarche de Pascal, en mobilisant  les termes "observation", "hypothèse", "expérimentation".
  • Interrogez, pour finir, l'enjeu de la démarche : "prouver", est-ce la même chose qu'"éprouver" ? La preuve expérimentale permet-elle de soumettre définitivement une hypothèse à l'épreuve de l'expérience ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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